Dans Finir en beauté, pièce en un acte de décès, Mohamed El Khatib part en quête d’une femme et d’un lien. Celui qui unit un fils à sa mère. Jamais vraiment coupé ce lien. Un cordon ombilical qui laisse une plaie à vif. Jamais vraiment cicatrisé ce cordon.
Une histoire de nombril.
Une histoire de racine.
Une histoire de famille surtout.
Une histoire d’adulte devenu orphelin de mère.
Le texte, construit comme une enquête dont on connaît déjà la fin, collecte les « pièces à conviction » et à disposition de 3 ans de vie. L’auteur y a rassemblé des extraits de journaux, des emails envoyés et reçus, des messages téléphoniques, des sms, des transcriptions d’enregistrements, autant d’éléments permettant d’explorer le souvenir maternel. Des traces de celle qui fut. Des instantanés de vie rappelant le pays d’origine, la langue de là-bas, le départ et la fin. En nous livrant une expérience profondément intime, Mohamed El Khatib explore dans son texte, le thème universel du deuil et du souvenir. Il nous invite à une réflexion profonde sur ce que nous avons ou n’avons pas transmis à travers les générations.
La perte de celle qui est au commencement : la mère
La figure de la mère est au cœur de la réflexion de ce matériau littéraire aux confins de la fiction et du documentaire. Elle est celle qui donne la vie, celle qui initie l’histoire, celle qui façonne nos premiers souvenirs et qui, au moment de son départ, laisse un vide abyssal. Elle est au point de départ de bien des récits familiaux, ancrage autour duquel s’organisent nos histoires personnelles. Le deuil maternel, symbolique de la perte de l’origine et du lieu d’enracinement, renvoie à la fin d’une époque et à la nécessité de transmettre. Dans son texte, Mohamed El Khatib, nous rappelle, à juste titre, que la mémoire de la mère, ses récits, ses silences, ses gestes, sont une source de richesses essentielle à préserver.
La nécessité d’être curieux de l’histoire de l’autre
Au-delà de la douleur de la perte, Finir en beauté nous invite aussi à réfléchir à la manière dont nous avons écouté nos proches de leur vivant. La curiosité pour l’autre est un terreau fertile à toute mémoire familiale. Que savons-nous réellement de l’histoire de nos parents, de leurs luttes, de leurs rêves et de leurs aspirations ? Que savons-nous des enfants qu’ils ont été, de leurs rebellions adolescentes ou autres vacillements adultes ?
L’idée n’est pas de forcer la porte d’un jardin gardé secret pour bien des raisons, mais de prendre le temps de s’écouter. Les fêtes de Noël en famille, peuvent, par exemple, offrir un espace privilégié pour enclencher ce processus de collecte de paroles. Les souvenirs, esprits frappeurs bienveillants, reviennent aux sons des verres qui trinquent. Les langues se délient et l’histoire d’une famille s’écrit au gré des anecdotes racontées. L’écriture de ces récits, ou même l’enregistrement audio et vidéo, devient alors un moyen de préserver cette parole et de donner une forme à l’immatériel.
Finir en beauté nous invite à être attentifs à la parole de ceux qui nous entourent, et particulièrement à celle de nos parents et proches avant que les silences ne deviennent définitifs. Cette démarche nous permet non seulement de mieux comprendre le passé, mais aussi d’offrir aux générations futures un héritage vivant, riche de souvenirs et témoin d’une époque.